Explications sur le projet
Je suis étudiant et jeune chercheur, historien de formation. Je travaille depuis quelques temps maintenant sur des musiques auxquelles ont été donnés des noms divers depuis qu'une première catégorisation embryonnaire s'est fait jour au XVIIIe siècle: chants populaires, musiques folkloriques, traditionnelles, parfois musiques du monde, musiques ethniques, la liste n'est pas exhaustive. Et je travaille surtout sur la façon dont ces catégories ont émergés, ce qu'elles recouvrent du fil du temps, sur la façon dont elles vivent, sont comprises, dont on en fait des pratiques nouvelles pour répondre à des enjeux nouveaux. Tout cela est assez vague ; j'aurai l'occasion de m'en expliquer de façon plus concrète.
À lui seul, ce sujet de recherche n'appelle pas la création d'un blog.
Seulement voilà, le sujet est sensible, parce que ces musiques ont suscité des représentations et en suscitent encore qui s'insèrent au coeur de systèmes diffus et vivaces dans la société, et plus particulièrement, c'est cela qui me gène, dans des discours qui se réclament d'une mission patrimoniale, ou, de façon différente, plus rare mais tout aussi dérangeante, dans un certain milieu scientifique.
En tant que chercheur aux marges de plusieurs disciplines (histoire culturelle, ethnomusicologie, épistémologie des sciences humaines) et acteur en devenir du patrimoine, la confrontation entre mes recherches et ces réalités provoquent un réel malaise. Certes, je ne songe pas à combattre contre des idées fausses qui circulent, tout d'abord parce que ces idées fausses sont des faits vrais, pour reprendre la formule de Jean-Noël Jeanneney, et qu'elles sont, en tant que chercheur, ma matière: je veux les comprendre pleinement.
Mais le citoyen que je suis, car si on est chercheur on n'en est pas moins homme, est perturbé par l'usage de ces discours pour appuyer des revendications politiques qui elles-mêmes découlent de la construction historique de ces discours. En d'autres termes : en fabriquant et en entretenant artificiellement une culture qu'on qualifie par exemple de "traditionnelle" à partir de représentations forgées dans les siècles précédents jusqu'à nos jours, on en vient à arguer de l'existence d'une culture différente pour réclamer subventions, reconnaissance étatique, autonomie, et ce sans limites.
Ce blog doit donc me permettre:
- de mettre des mots clairs sur des sensations intellectuelles souvent floues
- de le faire à travers des exemples précis
- de progresser dans ma démarche générale
- de poser clairement les enjeux politiques et sociétaux de celle-ci. Je suis complètement démuni d'influence ou de capacité politique. L'évocation de solutions passera pour discussion de café du commerce, aussi m'abstiendrai-je de parler des positions qui seraient les miennes si j'étais en situation de pouvoir, même infime. Je ne suis pas non plus militant.
Je réponds avant d'en terminer pour aujourd'hui à trois questions qui ne seront sans doute pas soulevées tout de suite et que je me remercie de me poser.
Pourquoi se limiter à l'étude des musiques ? En soi, cette limitation n'est pas pertinente, puisque les questions identitaires dépassent largement ce champ d'étude. Ceci dit, à titre d'exemple, la musique, ou plutôt les pratiques musicales (je tiens à ce terme, il faudra que j'y revienne), est tout à fait valable. Mon choix aurait pu se porter sur la langue, la gastronomie ou mille autres choses. Mais du fait de la prolifération d'initiatives, de représentations et de l'exposition qu'elle a suscitée, la musique est particulièrement susceptible de montrer la complexité des représentations à l'oeuvre et d'en dégager les enjeux. Plus prosaïquement, je parle d'un domaine sur lequel j'ai porté mes recherches jusqu'à présent.
Pourquoi regards "indisciplinés"? Tout d'abord parce que je ne suis pas sûr de pouvoir faire de l'écriture une discipline personnelle rigoureuse, ce que seul le temps confirmera ou infirmera. Et plus profondément parce que j'ai expérimenté parfois crûment la réalité académique des clivages disciplinaires, et les impasses auxquelles ils mènent. Les blogs sont un espace en dehors des traditions universitaires, pour l'instant, aussi je désire prendre la liberté de ne pas donner de nom à ma réflexion, inspirée de méthodes historiennes, sociologiques, etc., mais que je souhaite indépendante et avant tout citoyenne.
Pourquoi me limiter à la France? Pour parler de ce que je connais le moins mal et m'éviter de proférer trop d'âneries. Je n'ai pas d'explications plus nobles.
A bientôt.